Existe-t’il une culture Disney ?
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  • L’an prochain, la firme Disney fêtera ses 100 ans. En un siècle, elle aura réussi à s’imposer à l’échelle mondiale. Son secret : s’adapter aux changements de génération, tout en restant  axé sur son principe initial : celui de plaire au plus grand nombre. Mais ces choix sont-ils les seuls facteurs de sa réussite ? Se cacherait-il derrière la firme une culture plus universelle ?

    A l’occasion des 30 ans du Parc DisneylandParis, nous avons décidé de faire le point sur cette fameuse culture Disney.

    Qu’est-ce que la firme Disney?

    On doit l’admettre, elle est l’œuvre d’un homme, que beaucoup voit comme un visionnaire : Walt Disney. Dessinateur publicitaire de formation, il fonde l’entreprise en 1923. Celle-ci vivote jusqu’à la naissance de Mickey Mouse en 1927. A partir de cette date, son expansion devient fulgurante. Elle diversifie ses activités, rachète ses concurrents pour s’assurer un certain monopole sur le marché de l’animation, ouvre des parcs à thème aux 4 coins du monde et s’impose en 2012 comme le premier groupe de divertissement au monde.

    Si la firme a longtemps profité des critiques élogieuses envers les créations, les années 1980 ont marqué un changement dans l’opinion. Les productions Disney sont devenues le symbole de la culture de masse, de l’impérialisme américain qui diffuse son modèle idéologique pour imposer sa vision au monde.

    Pourtant, pour le public, il en est autrement. Malgré les générations qui défilent, les spectateurs adhèrent toujours à l’univers Disney et à son message à portée universelle.

    Pourquoi la culture Disney est-elle universelle ?

    En 1923, pour lancer son entreprise de dessins animés, Walt Disney recrute des illustrateurs, dont beaucoup sont des migrants européens. Avec leur formation académique, les dessinateurs reprennent les codes de l’esthétisme européen : un trait précis, des dessins détaillés et des attitudes qui renvoient aux représentations picturales largement diffusées à l’échelle mondiale depuis plusieurs siècles. 

    Ces illustrateurs maîtrisent également les récits de la culture européenne : les contes des frères Grimm, de Perrault, les légendes régionales et les épisodes liés au Christianisme. Les premiers dessins animés sont fortement imprégnés de cette culture savante européenne (Blanche-Neige et les 7 nains, Cendrillon ou Pinocchio). Cependant, les récits sont lissés, vidés d’éventuels contenus jugés traumatisants ou tendancieux. Ainsi, les belles-sœurs de Cendrillon ne se coupent pas les orteils pour rentrer dans la chaussure, et la Belle au bois dormant n’est pas réveillée par un accouchement consécutif à son viol.

    Rapidement, les valeurs telles que le courage et la fidélité s’imposent dans chaque Disney. Le récit s’achève toujours par une morale (les gentils triomphent). L’imaginaire et le fantastique restent prépondérants, conservant l’idée d’un monde à part, plein de magie et de mystérieux. 

    Ces spécificités donnent naissance à une culture à part entière, qui grossit et se diffuse jusqu’à devenir une référence. Les enfants grandissent, deviennent des parents et réinculquent leur connaissance Disney à leur enfant, qui voient ce bagage culturel s’enrichir avec les nouveaux récits. On retrouve ainsi un élément central d’une culture : elle se vit.

    Dans les années 2000, Disney comprend que les attentes sociétales évoluent et s’adapte. Les princesses prennent leur destin en main, la figure de l’anti-héros qui s’affirme s’installe, les minorités deviennent visibles. Ce changement est particulièrement bien accueilli, et aucun reproche de réappropriations culturelles ne fera voler en éclat l’universalité des dessins animés.

    Les valeurs restent les mêmes que dans les premiers films : la fraternité, l’amour et le dépassement de soi se retrouvent dans chacune des créations Disney. Des principes universels, qui assurent l’adhésion du public, et qui s’inscrivent dans la volonté du créateur : plaire au plus grand nombre.

    Quels sont les traits de sa culture ?

    Au fil des décennies, la firme a lentement construit son identité, tout en rompant avec les idéologies de son époque.

    Les Disney des années 30/40 sont emprunts de stéréotypes raciaux qui étaient admis à l’époque. Si Disney a préféré retirer de la distribution le film colonialiste la Mélodie du Sud, il choisit pour ces autres productions une autre approche. Exit la cancel culture, et place à la pédagogie. Cette vision a existé, et Disney en devient la mémoire. Une note précisera le contexte historique auquel appartient la réalisation.

    Le studio s’est démarqué très tôt en s’engageant dans la représentation de la différence, se faisant un défenseur de la tolérance. Certes, les représentations sont parfois stéréotypées, comme les gentils 7 nains amoureux de Blanche-Neige ou les oreilles disproportionnées de Dumbo, mais elles ont le mérite d’exister contrairement aux autres films d’animation de l’époque.

    A l’identité visuelle et aux valeurs universelles, Disney ajoute à ses animations une bande sonore moderne. Fini la musique classique, bienvenue au jazz, au blues et à la soul, puis à l’intégration d’instruments de musique locaux pour coller à l’univers culturel d’une communauté. Sans ses accords de guitare et ses références à la culture musicale mexicaine, le film Cocon’aurait pas eu le même succès.

    D’ailleurs, c’est également l’une des spécificités de la culture Disney : s’approprier des éléments culturels très stéréotypés et en sortir un récit qui sublime la culture d’une communauté : Pocahontas, Luca et Coco en sont des exemples.

    La firme sait adapter son discours, se réinventer. Opportuniste ou visionnaire, elle a réussi à emprunter le chemin du féministe, sans accentuer l’image du macho. Les principes désuets sont vécus comme une incompréhension de la part des autres protagonistes. Certes, il existe encore de nombreux codes de la vieille Europe ou de l’Amérique profonde (les valeurs familiales, les liens du sang), le message reste définitivement moderne.

    Enfin, dernier élément qui définit Disney comme une culture spécifique, ce sont les références, qu’on retrouve régulièrement dans ses productions. Des références spécifiques à l’univers Disney : un jouet en forme de la Bête dans Aladdin ou la dépouille de Scar dans Hercule. Des clins d’œil cachés que les afficionados remarqueront immédiatement et qui joueront un rôle de valorisateur culturel. Et se sentir appartenir à un groupe particulier, c’est l’un des éléments fédérateurs d’une culture.

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